Quels sont les critères de gouvernance pertinents pour les créanciers ?

S’il existe de nombreuses études sur l’impact de la bonne (ou de la mauvaise) gouvernance sur le patrimoine des actionnaires, plus rares (1) sont celles consacrées à celui des créanciers.

S’il existe de nombreuses études sur l’impact de la bonne (ou de la mauvaise) gouvernance sur le patrimoine des actionnaires, plus rares (1) sont celles consacrées aux créanciers. Certes, actionnaires et créanciers ont souvent le même intérêt : celui de voir croître la valeur de l’entreprise. Ce n’est que dans certaines circonstances que leurs intérêts divergent. Par exemple en cas acquisition, surtout s'il s'agit d'un LBO . C’est aussi le cas lorsque l’entreprise est en difficulté : l'utilisation de raisonnements optionnels est alors particulièrement pertinente pour analyser le partage de la valeur de l’entreprise entre ces deux catégories de pourvoyeurs de fonds.

Il existe donc probablement des différences d’appréciation entre les créanciers et les actionnaires sur la qualité des mécanismes de gouvernance qu’une entreprise peut mettre en œuvre ou auxquels elle se soumet. Leur identification est le sujet d’une étude parue récemment : "The Relation between Corporate Governance and Credit Risk, Bond Yields and Firm Valuation". Réalisée par Michael Bradley, George Dallas (ancien responsable de l’activité de notation de gouvernance de Standard & Poors), Elizabeth Snyderwine et Dong Chen, cette étude est particulièrement intéressante car elle est plus complète que celles qui ont été réalisées jusqu’ici. Portant sur la période 2001-2007 et sur le rendement des « seasoned bond » (et non ceux des nouvelles émissions) de 775 firmes américaines, elle étudie les relations entre les notes attribuées aux obligations de ces entreprises et les critères de gouvernance suivants :

  • la structure de l’actionnariat et des influences extérieures
  • les droits des actionnaires et les relations avec les partenaires de l’entreprise (stakeholders)
  • la transparence, l’information financière et le processus d’audit
  • la structure du conseil et son efficacité.
  • La rémunération des dirigeants
  • La rotation des dirigeants.

Les quatre premiers critères sont tirés de la méthodologie de Standard & Poor's (dont on peut trouver une description très détaillée dans le livre édité par George Dallas : Governance and Risk);

Les conclusions de cette recherche sont les suivantes :

  1. une notation est avant tout fonction de la situation financière de la firme
  2. les facteurs qui permettent d’expliquer les différences entre notation et situation financière sont les suivants : la structure de l’actionnariat, les droits des actionnaires, le processus d’audit, la structure du conseil, la rémunération des dirigeants.
  3. L’impact des dispositifs anti-OPA sur la notation dépend de la classe de risque de l’entreprise. La notation est négativement corrélée à l’existence de ces mesures pour les notes spéculatives : en effet, l’acquisition qui pourrait être bénéfique est rendue plus difficile par l’existence de ces dispositifs. A l’inverse la notation est positivement corrélée pour une entreprise investment grade. En effet, l’entreprise peut mieux se défendre contre une acquisition qui pourrait entraîner une baisse de la valeur de la dette si elle était réalisée par un fond de LBO ou par une entreprise ne bénéficiant pas d’un profil de crédit aussi favorable.
  4. Il existe une relation positive entre la notation et la stabilité du conseil. L’ancienneté du conseil, la détention importante d’actions par ses membres, la protection juridique des administrateurs, le fait qu’il s’agisse d’un « classified board » (un conseil dont le renouvellement s’étale sur plusieurs années) sont autant de « qualités » sur lesquelles les auteurs s’appuient pour soutenir que ce type de conseil est davantage en mesure de faire prévaloir les intérêts à long terme de la société et de s’imposer face aux dirigeants, pour le plus grand profit des partenaires de l’entreprise (y compris ses créanciers). Il s’agit là d’une différence d’appréciation importante entre les créanciers et les actionnaires, ces derniers n’aimant généralement pas l’enracinement des administrateurs, même pour éviter celui des managers.
  5. Les éléments de gouvernance qui sont associées positivement à la notation sont associés négativement aux spreads.
  6. Les éléments qui ont un impact sur la notation et le rendement ne sont pas lié au ratio Q de Tobin (mesure retenue comme approximation de la valeur de l’entreprise), ce qui semble démontrer que s’ils intéressent les créanciers, ils ne sont pas pertinents du point de vue de l’actionnaire.

(1) Parmi les études qui ont été conduites sur le sujet, voir "The Effects of Corporate Governance on Firms’ Credit Ratings", étude réalisée par Daniel Collins, Hollis Ashbaugh, et Ryan Lafond en 2004 dans laquelle les auteurs concluent que la notation est affectée :

  • négativement par l'importance du nombre de blocs d'actionnaires possédant au moins 5% du capital et le pouvoir du CEO au sein du conseil
  • positivement par le degré de transparence financière, la faiblesse des droits des actionnaires en cas d'OPA, l'indépendance et l'expertise du conseil.

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