Le nouveau code de gouvernance britannique

A l’issue d’un processus de révision lancé au cours de l’année 2009, le FRC (Financial Reporting Council) vient de publier le nouveau code de gouvernance applicable aux entreprises cotées britanniques.

On rappelle que le FRC est le régulateur britannique indépendant responsable de la promotion des meilleures pratiques de gouvernance et de reporting financier. A ce titre, il propose aux entreprises cotées les règles de gouvernance dans une logique de «comply or explain», c’est-à-dire que les entreprises sont libres de ne pas accepter une ou plusieurs règles à la condition d’expliquer la raison de cette non application et en quoi la règle qu’elles ont décidé de suivre leur permet quand même d’atteindre les objectifs fixés par le régulateur.

Applicable à partir de juillet 2010, ce texte mérite d’être lu pour deux raisons :

  • Il permet de se rendre compte de la pusillanimité de la France en matière de gouvernance, pusillanimité illustrée par les efforts désespérés de beaucoup de dirigeants pour nous expliquer que le système français est efficace et qu’aller plus loin aurait des conséquences négatives sur la gestion des entreprises. Les britanniques vont beaucoup plus loin que nous et ne sont pas spécialement réputés pour mettre en place des systèmes de gouvernance inefficaces ou théoriques.
  • Il traite sans détour du principal dysfonctionnement du système de gouvernance révélés par la crise : l’immobilisme ou l’inefficacité du rouage principal à savoir le conseil d’administration. Mal organisé, mal animé, mal orienté, celui-ci n’a pas joué son rôle qui est de prendre en charge le succès à long terme de l’entreprise. Certes, dans cette crise systémique, les coupables sont nombreux. Mais si l’on accepte le principe qu’une entreprise est dirigée par un conseil, la conseil doit être tenu pour responsable soit par son action, soit par sa démission ou son incapacité à remplir son rôle.

Les modifications introduites par ce nouveau code poursuivent donc trois objectifs :

Remobiliser le Conseil sur le succès à long terme de l’entreprise :

C’était une évidence, mais elle méritait d’être rappelée dès les premières lignes :

« Every company should be headed by an effective board which is collectively responsible for the long-term success of the company ».

Dans l’esprit du rapport Turnbull, la gestion des risques (en particulier ce que l’on appelle l’appétence au risque), le contrôle interne (et la revue de son efficacité) sont clairement de la responsabilité du conseil dans un souci de protéger l’entreprise et de pérenniser son développement :

« The board is responsible for determining the nature and extent of the significant risks it is willing to take in achieving its strategic objectives. The board should maintain sound risk management and internal control systems »

Le conseil est responsable collectivement de la stratégie à long terme et doit présenter dans le rapport annuel le « business model » de l’entreprise, explication de la façon dont celle-ci compte créer et préserver la valeur sur le long terme. Cette information n’est pas très différente de celle qui est déjà exigée dans le « Enhanced Business Review » prévue par la loi Britannique ou dans l’Operating and Financial Review proposée par le FRC. Il est important de souligner qu’il s’agit du point de vue du conseil et non de celui des dirigeants exécutifs.

Améliorer la qualité des délibérations et des décisions du conseil

On sait pertinemment que la bonne gouvernance résulte plus de la qualité des comportements de ses acteurs que de la mise en place d’une organisation ou du respect formels de quelques grands principes. Trop souvent la gouvernance se réduit à du « box ticking », alibi trop souvent utilisé par les entreprises françaises et accepté par nos médias et nos régulateurs.

L’un des objectifs du FRC est de permettre aux conseils de délibérer effectivement et d’éviter le « Groupthink » . Pour cela, le nouveau code de gouvernance préconise que la composition des conseils s’attache à favoriser la diversité des compétences et des genres. On notera l’approche : la féminisation des conseils n’est pas une question d’égalité, mais d’efficacité. Ce que j’écrivais il y a deux ans pour les traders (voir mon post « risque et hormones » ) vaut aussi pour les conseils d’administration.

D’autres principes favorisant une meilleure délibération ont été introduits dans le nouveau code : le Président (fonction bien entendue séparée de celle du Directeur général) est responsable de l’animation du conseil et doit mettre en place une culture d’ouverture et de débat ; les administrateurs non exécutifs ont un rôle dans le développement et la critique de la stratégie ; la disponibilité des administrateurs doit être un critère de sélection (on rappelle que le code britannique ne permet pas à un dirigeant de siéger à plus d’un conseil d’une entreprise du FTSE 100).

Mettre en place des mécanismes incitatifs pour aligner le board et ses dirigeants sur le succès à long terme de l’entreprise et sur la protection des intérêts des actionnaires.

Les principes de fixation de la rémunération des dirigeants incorporent à présent la dimension à long terme qui a clairement fait défaut dans le passé :

« The performance-related elements of executive directors’ remuneration should be stretching and designed to promote the long-term success of the company. »

Mais ce qui semble plus révolutionnaire est la proposition de soumettre chaque année la nomination des administrateurs des sociétés du FTSE 350 au vote de l'Assemblée Générale. Cette mesure est très cohérente avec l’ensemble des dispositions qui visent à faire en sorte que les administrateurs se sentent les représentants des actionnaires :

« Whilst recognising that most shareholder contact is with the chief executive and finance director, the chairman should ensure that all directors are made aware of their major shareholders’ issues and concerns. The board should keep in touch with shareholder opinion in whatever ways are most practical and efficient. »

et le code précise que les administrateurs indépendants :

« should be offered the opportunity to attend scheduled meetings with major shareholders and should expect to attend meetings if requested by major shareholders »

et que le senior independent director (sur le modèle duquel nous avons à présent des administrateurs référents)

« should attend sufficient meetings with a range of major shareholders to listen to their views in order to help develop a balanced understanding of the issues and concerns of major shareholders »

Equilibre des pouvoirs, responsabilité, implication, leadership, efficacité, ouverture : les anglais nous proposent une philosophie de la gouvernance qui devrait nous faire réfléchir à notre pratique de la gouvernance financière.

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