La juste valeur comptable :
faut-il aller plus loin ?

Après plusieurs semaines de silence, je vais essayer de mettre à jour mon blog de manière plus fréquente ! je commence par un thème qui va être très sensible pour les entreprises et les évaluateurs dans les mois qui viennent : la juste valeur.

L'IASB vient de publier son exposure draft sur "fair value measurement" accompagné de ses "basis for conclusions" et de ses examples . Comme on s'y attendait, c'est un copié collé de la norme SFAS 157 adoptée en 2006 par le FASB. Cette norme a pour but de s'appliquer dans tous les cas où la fair value est utilisée dans un texte IFRS. L'existence d'une seule source de référence pour la définition et le calcul de la fair value permettra d'assurer une cohérence que les textes actuels n'avaient probablement pas toujours.

Je n'ai pas procédé à une comparaison détaillée de ce texte avec SFAS 157 (théoriquement, l'IASB devrait publier un comparatif). Apparemment, il y a très peu de différences : on a rajouté quelques paragraphes sur les marchés illiquides, conjoncture oblige !

Ce qui est frappant, c'est que, malgré les attaques répétées des banques, des assurances, des hommes politiques et de certains professionnels opportunistes, la fair value a survécu. Lors de ses deux dernières réunions, le G20 a bien entendu évoqué le problème des normes comptables, mais les chefs d'Etat se sont contentés de demander aux régulateurs d'améliorer la "guidance" et non de mettre en cause le concept. Les différentes recommandations émises à la fin de l'année dernière par la SEC, l'AMF, l'IASB, le FASB pour répondre à la problématique de l'évaluation dans des marchés illiquides étaient en fait plus de l'ordre de la cosmétique que du fond car toutes les réponses figuraient déjà plus ou moins dans les textes existants à l'époque. Illustration que rien n'a bougé : le texte que vient de sortir l'IASB est une reprise de celui que les américains avaient écrit en 2005, donc deux ans avant le début de la crise !

De fait, les concepts évoqués dans ce texte ne heurteront pas la pratique des évaluateurs. SFAS 157 avait d'ailleurs été écrit à l'époque en collaboration avec de nombreux professionnels de l'évaluation. C'est un texte avant tout financier et non comptable. Certes, il y a quelques imperfections comme une apparente confusion entre prix et valeur, confusion relevée dans une étude fort intéressante de l'EDHEC à laquelle j'avais déjà fait allusion dans ce blog ("juste valeur ou non : un débat mal posé"). Autre raison d'inconfort : la persistance de la valeur d'usage qui est une vision totalement artificielle de la valeur d'une entreprise.

Mais au total, il s'agit d'un bon texte. Faut-il aller plus loin ? Faut-il surtout, comme l'a suggéré le G20 en avril dernier que le régulateur comptable "améliore les standards de l'évaluation" ? On espère qu'il y renoncera pour une raison essentielle que j'ai décrite dans un article paru il y a quelques mois (voir mon post du 21 décembre 2008 sur ce sujet) : la création et la mesure de la valeur obéissent à des mécanismes trop complexes pour pouvoir être décrits dans un texte normatif. Une seconde raison est qu'il existe à présent une institution internationale qui a justement pour vocation d'aider la profession des évaluateurs à mieux exercer leur mission (l'International Valuation Standards Council présidé par Michel Prada).

J'ai fait une présentation sur ce sujet à Bruxelles le 9 juillet dernier à l'occasion du Valuation & Risk Policy Forum.

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