La bonne gouvernance donne plus de valeur à la fair value !

L'une des critiques adressées à la norme SFAS 157 (Fair Value Measurement) réside dans le caractère hautement subjectif des évaluations en juste valeur dès lors que les hypothèses utilisées ne sont plus de Niveau 1 (données sur des marchés cotés et actifs), mais de Niveau 2 (hypothèses dérivées de données de marché comparables) ou, encore pire, de Niveau 3 (hypothèses non observables sur un marché et formulées par le management).

Avec la crise, les entreprises ont eu de plus en plus tendance à abandonner les deux premiers niveaux au profit du troisième avec la bénédiction du régulateur. Il faut dire que, dans bien des cas, les données de marché n'étaient pas très probantes lorsqu'elles n'étaient pas carrément inexploitables. Je ne les blâme pas car j'ai toujours été très sceptique à l'égard des méthodes analogiques que je considère comme particulièrement archaïques et trompeuses. Reste que les actionnaires peuvent légitimement penser que les chiffres qui leur sont fournis sont manipulés ou, au minimum, biaisés par la subjectivité des managers. Il en résulte une asymétrie d'information préjudiciable à la fiabilité de la valeur boursière.

Comment convaincre les investisseurs que les évaluations du management ont été correctement effectuées ?

Une étude (*) portant sur l'industrie bancaire (il s'agit là bien sûr d'une des limites de ce travail) dont un résumé vient d'être posté sur le blog de la Harvard Law School Forum on corporate governance and financial regulation apporte une première réponse : un bon système de gouvernance renforce la "value relevance" (**) de la fair value. Les auteurs utilisent plusieurs critères de gouvernance dans leur analyse : l'indépendance du conseil, l'expertise du comité d'audit, la fréquence des réunions de ce comité, le pourcentage du capital détenu par des investisseurs institutionnels, la taille de l'auditeur et le fait que l'on n'ait pas identifié de faiblesses dans le contrôle interne au sens des articles 302 et 404 de la loi Sarbanes-Oxley.

Leurs conclusions sont les suivantes :

  1. Les trois niveaux sont "value relevant", le niveau 3 étant moins pertinent que les autres.
  2. La pertinence dépend de la qualité de la gouvernance de l'entreprise : lorsque celle-ci est faible, la value relevance des niveaux 1 et 2 diminue légèrement, et celle du niveau 3 devient insignifiante (c'est à dire qu'elle perd toute signification aux yeux des actionnaires). En revanche, lorsque la gouvernance est bonne, les valeurs issues d'hypothèses de niveau 3 retrouvent une signification forte.

The increase in asset valuations for each of the levels is consistent with strong governance reducing information asymmetry and mitigating estimation errors or reporting biases, and this is especially apparent for Level 3 assets (i.e., unobservable, firm-generated amounts) where information asymmetry is expected to be the highest.

Tout cela semble assez logique. J'ajouterais qu'il existe un moyen supplémentaire de rassurer les investisseurs sur la qualité des évaluations réalisées dans le cadre de SFAS 157 ou dans celui de nature similaire proposé par l'IASB (voir mon postsur ce projet) : c'est le recours à un expert indépendant !

(*) Song, Chang Joon, Thomas, Wayne B. and Yi, Han , Value Relevance of FAS 157 Fair Value Hierarchy Information and the Impact of Corporate Governance Mechanisms (August 13, 2009). Accounting Review, Vol. 85, No. 4, 2010.

(**) "The value relevance literature deals with the usefulness of financial statement information in equity valuation. Examples of overall research questions addressed in such studies are: How well do accounting figures measure value? What ac- counting figures capture information about value? What accounting figures can be used to predict value attributes? Can accounting figures be used to predict future value?" (Henrik Nilsson)

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